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La gardienne : partie I, chapitre 5 et 6

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Comme j'ai un peu tardé, je vous propose 2 chapitres, cette fois-ci… Les autres chapitre sont encore visible sur le site, il suffit de cherche un peu ;-)



Chapitre 5 : Les espaces et les filles perdus

crédit photo

‑ Gnaa… et Gna, et hiiinn… pfff cet-te neigeeuh… ! Han… et gnnnnnaaA ! Lucia passait sa rage et son inquiétude sur la masse blanche qui encombrait l’allée. L’outil pesait des tonnes à chaque pelletage. Elle ne progressait pas et s’esquintait les reins.
‑ Quelle saleté ! je… n’en… viendrai… pas… hhhnn… à … bout ! Rooh !

Sa colère se reportait contre la neige molle et lourde et gorgée d’eau, puis couverte d’une poudreuse voletant, accumulée contre le vantail forgé, qui ne se décidait pas à fondre. Aucun autre moyen d’ouvrir la grille ni de libérer la voiture que de la charrier ailleurs à la force des biceps. Mais Lucia, au bout d’une heure infructueuse dut se rendre à l’évidence : c’était un supplice infernal. Sisyphe et son rocher sans cesse retombé, autant vider la mer avec une cuiller. Quelle galère !
Elle pensa un instant aux garçons, espéra qu’ils passaient de bonnes vacances, remplies de rires et de jeux joyeux. Elle roula une boule de neige dans ses gants déjà humides et la projeta contre le pylône du portail. Une belle tache blanche en relief éclata et arracha à la trentenaire un sourire bienvenu. Elle se détendait enfin. C’était bon de retomber en enfance ! Le montant de pierre en fit les frais !
Balançant sa pelle au loin, Lucia redevint une petite fille et érigea un fier gardien-de-neige, aux gros yeux de cailloux, devant la porte d’entrée. Les flocons collants étaient parfaits pour former d’énormes boules, comme dans les bandes dessinées. Son bonhomme était impressionnant de volume et elle avait eu toutes les peines à soulever sa monumentale tête pour la placer sur le dessus. Un seau en guise de couvre-chef et armé de la pelle inutile, ce soldat daignerait-il effectuer la corvée de neige à laquelle Lucia renonçait ?

En riant, elle fit le tour du jardin, imprimant ses pas dans les étendues inviolées. Ni elle ni son golem glacé ne libèreraient le portail avant la fonte du redoux. Tant mieux ?
Tant pis ! On ne bougerait pas ! Au diable la civilisation !

La maison était jolie, dans toute cette blancheur lumineuse. Les fenêtres renvoyaient des carrés de ciel bleu et des glaçons translucides ourlaient élégamment la toiture d’un gai galon. C’était vraiment une imposante demeure. Lucia n’en revenait toujours pas d’en être l’habitante et la propriétaire. Une chômeuse dans un château ! Quelle ironie ! Remarquez, avec tous ces carreaux à astiquer, elle n’était pas demandeuse d’emploi, elle débordait plutôt de travail ! Une-deux-trois-quatre…-seize-dix-sept-… vingt-six… Et encore ! Elle ne comptait pas les soupiraux des cuisines ni les lucarnes qui perçaient la toiture et qu’elle n’apercevait pas ! Très surprenante, la disposition architecturale… La jeune infirmière n’avait jamais été douée en géométrie dans l’espace. Les volumes n’étaient pas ses amis, tout comme les cartes routières. Un parallélépipède plus un cylindre… côtés, aires, rayons, périmètres et mètres carrés en petits cubes se bousculaient en un imbroglio affreux. Alors, il lui fallut plusieurs tours de sa maison, à s’en dévisser la tête, des comptes abrutissants de mètres approximatifs et de fenêtres pour en arriver à la conclusion étrange : il y avait des « espaces perdus ». Ou bien les murs étaient extraordinairement épais par endroits, ou bien certaines des ouvertures étaient fausses, mais en tout cas, la symétrie parfaite de l’apparence extérieure, quelles que soient les faces depuis lesquelles on la considérait, ne se retrouvait pas à l’intérieur. Aucun doute.


Perplexe, elle rentra se chauffer les phalanges auprès du feu.
Il y en avait marre, des sales surprises ! D’abord ce squelette, et à présent des possibles pièces cachées… Sa vie allait-elle se simplifier un jour ?

Niels était parti raccompagner sa blonde. La demoiselle dénudée et effrayée de la nuit précédente s’était réveillée, au petit jour, avec une insoutenable migraine, la gueule de bois et… aucun souvenir ! Elle avait eu l’air étonnée de se trouver au salon, dans une couverture. Pas un mot sur sa macabre découverte, rien sur la terreur qui l’avait fait hurler. « La belle n’avait déjà pas grand-chose dans le ciboulot, et voilà qu’il y avait un trou noir de plus », avait pensé Lucia, peu amène.
On est cynique, quand on n’a pas dormi !
Etait-ce une chance, cette amnésie ? Niels n’en avait pas demandé davantage et ils étaient sortis, dès qu’ils avaient été prêts à marcher dans la neige. Mais Lucia n’en était pas restée là : dans le débarras du deuxième, dans la lumière crue du matin, elle avait voulu vérifier le mirage.
Et elle s’était trouvée nez à nez avec une morte, toute en ossements, bien (trop) réelle !
Contrairement à la petite amie de Niels, Lucia n’avait pas eu peur, non, cela n’avait mise en colère : quoi ? on lui fourguait une bicoque en héritage, sans qu’elle n’ait rien demandé à personne, et il y avait une macchabée dedans ? un squelette en jupe, là, sous son toit, à deux pas de la chambre de ses fils ? et personne ne lui avait rien dit ? N’avait-elle pas assez de mal à joindre les deux bouts comme ça ? Il fallait encore lui compliquer la vie ? Que dirait la police quand elle viendrait ?
Visiblement, la dame n’était pas une trépassée de la dernière neige ! Le squelette, bien conservé, presque momifié dans cette atmosphère confinée, au sec dans son placard, portait encore des vêtements de femme d’un autre âge et des touffes de cheveux noirs. Il devait être là depuis des années…

Que dirait la police quand elle viendrait ? Si elle venait ! parce qu’avec toute cette neige… oui, si elle venait !

Le premier mouvement de Lucia avait été de déneiger l’allée, de dégager sa voiture et de foncer au commissariat. Mais ensuite ? Elle ne voulait pas que sa demeure devienne une scène de crime, on les chasserait, on détruirait les lieux en analyse, en recherches, on fouillerait la maison… Les doutes lui avaient coupé les bras presque autant que le poids de la besogne. Peut-être même l’accuserait-on… Lucia n’aimait pas les flics. « La justice est injuste », disait son beau-père. Il était plein de bon sens. De toute manière, la neige avait décidé pour elle : pas de police. Niels n’avait rien vu, la folle amnésique ne serait pas crédible avec ce qu’elle avait dans le sang la nuit dernière, si par hasard la mémoire lui revenait, et puis voilà.
Il serait encore temps de reconsidérer ce choix une fois les routes praticables…
Lucia se cherchait de bonnes raisons de taire sa découverte.
Sans doute serait-il utile de savoir qui était cette femme momifiée dans le cagibi, avant d’agir. Si son identité permettait de ne pas être inquiétée, on pourrait la signaler aux autorités. La question des espaces perdus obnubilaient également la jeune femme, même si elle n’avait rien à voir… à moins que…


Lucia n’était pas mal à l’aise face à la mort. Refermer la porte sur ce cadavre et se coucher le soir même à l’étage du dessous ne lui causerait pas de cauchemars. Envisager de la transporter dans sa propre chambre n’était pas exclu. Elle avait travaillé pour les services de secours, sur les autoroutes et aux urgences, aussi. Un pauvre bougre incarcéré dans sa voiture, mêlant si étroitement sa chair avec la tôle qu’on avait le plus grand mal à rendre à chacun ses muscles et son tableau de bord, voilà ce qui pouvait faire frémir. La mort en soi, n’est qu’un arrêt cardiaque. Les relations de cause à effet qui conduisent à cette fatale conclusion sont souvent révoltantes, parfois évitables et certains gestes peuvent briser la chaîne de réactions pour sauver la vie. Mais un cadavre, ce n’est rien. C’est la cruauté des meurtriers ou la tristesse des survivants qui font peur. La peine, ça, la jeune maman en avait eu son lot, sans jamais être capable de comprendre quelle artère il fallait comprimer afin d’en interrompre l’écoulement hémorragique…

Pour chasser le souvenir ineffaçable qui revenait devant ses yeux, Lucia fit venir Clothaire. L’antiquaire, désœuvré par la faute de la neige, coincé loin de sa boutique, avait, sans difficultés, accepté de passer estimer ses futures acquisitions, parmi les nouvelles pièces mises au jour. Chaussé de bottes en poil très seventies et muni d’improbables raquettes, il brava la blancheur des rues.
Sur le pallier du deuxième et dans l’entrée, le débarras s’était comme dilaté : pichets, tableaux, paniers, miroirs, vêtements, bagages anciens, lustres et dentelles, vaisselle et verroteries. C’était incroyable qu’on ait relégué ainsi des objets aussi divers, sans rangement aucun, sans soin ni logique. Il était évident que la plupart de ces choses valaient un bon prix. A l’heure de sa grandeur, le Manoir devait être absolument magnifique !
Plusieurs meubles assez élégants avaient été trouvés également. Mais Lucia ne comptait pas s’en séparer. Pas plus que du joli berceau en bois, avec sa flèche et ses côtés sculptés de fleurs et d’oiseaux…
On ne jette pas un berceau, ça porte malheur.
Elle passa la paume de sa main sur le bois rosé. Dire qu’elle avait presque eu une petite fille… Oh ! quelle idiote ! Un squelette de rien du tout et voilà qu’elle se mettait à ressasser ses malheurs, irrépressiblement. Ou bien était-ce l’absence de ses fils, qui ravivait ce manque éternel dans les entrailles meurtries de la maman ? Heureusement, ils revenaient bientôt. La fausse-couche qu’elle avait faite six ans plus tôt était comme une plaie qui se rouvrait sans prévenir.


‑ Je suis heureux que vous fassiez une nouvelle fois appel à moi, Mademoiselle Delongui. Votre maison recèle des trésors… Si vous me laissiez la visiter de fond en comble vous vous…
‑ Non, merci, monsieur. Je préfère procéder à mon rythme, avait coupé Lucia, soucieuse depuis peu de garder pour elle les squelettes de ses placards. Elle enchaîna : Certaines pièces sont rares, alors ?
‑ Certainement ! Cette pendule empire et son socle en marbre sont numérotés, voyez… et ici, sur cette théière qui n’a l’air de rien, vous trouvez le sceau d’une grande maison. Quel dommage que la ménagère ne soit pas entière.
‑ J’aurais peut-être d’autres pièces de vaisselle. Je n’ai pas encore tout inventorié…
Le vieil expert ressemblait à un enfant devant la hotte du père noël. Contrairement à la dernière fois, il ne chercha pas à minimiser la valeur de ce qu’il voyait. Il fut même assez honnête et déconseilla la vente de certains objets dépareillés dont la valeur décuplerait si la jeune femme dénichait leur complément. Une petite horloge dorée retint particulièrement son attention. Elle était très jolie, avec son mécanisme apparent, dont les roues de différents métaux s’articulaient finement au gré du temps qui passe, rendant comme un mouvement animal, une sorte de cœur mécanique qui bat et tremble de vie. Sur le dessus, surplombant le cadran et ses aiguilles travaillées comme de délicates dentelles, un valeureux chevalier semblait prêt au combat et une frêle jeune femme couronnée retenait de sa main tendre la lame du guerrier. Touchante représentation des instincts des deux sexes.
‑ Vous ne devriez pas vendre cette pendule, affirma respectueusement l’antiquaire, après l’avoir admirée. Elle est inestimable, unique, sans doute. Je n’en ai jamais vu de semblable. Personne ne pourra l’apprécier en dehors de ses véritables héritiers. Il faudrait connaître son histoire.
‑ Je ne comptais pas vous laisser repartir avec elle, Monsieur Clothaire, je l’aime beaucoup ; mais je voulais vous la montrer pour avoir votre avis. Est-elle encore en état de marche ?
‑ Elle me semble très bien entretenue. Ce globe la protège efficacement : la poussière et la rouille sont ses deux ennemis. Laissez-là dans une pièce à vivre quelques jours, que ses rouages se dilatent. Ensuite, je reviendrai et nous la remonterons. Il ne faut pas la brusquer, c’est de la mécanique de précision.

Il fut également intéressé par une série de gravures encadrées. Leur valeur n’était pas grande, par contre. Mais elles méritaient attention : chacune représentait le manoir à différentes époques, au fur et à mesure des transformations architecturales et des aléas qu’il avait subis. Lucia ne s’en était pas rendu compte. Elle n’avait pensé garder que les deux qui montraient la demeure telle qu’elle était aujourd’hui. Les autres lui semblaient tellement différentes qu’elle avait cru qu’il s’agissait pas du même château. Clothaire la détrompa et il avait raison : effectivement, une fois alignées dans l’ordre chronologique, sur le sol de l’entrée, les eaux-fortes firent le récit muet de l’histoire du manoir. C’était amusant, sans plus… à moins que… ?


La poignée de main entre Clothaire et Lucia fut sincère et chaleureuse. Il ne lui avait pas seulement promis une somme rondelette, mais elle avait passé un moment instructif et agréable qui avait été pour lui un véritable plaisir. Sans doute n’était-il pas le vieux pingre obséquieux dont il avait l’air.


La porte une fois refermée, les méninges de la jeune femme reprirent leur cours interrompu. Elle en était à « A moins que… »
Si Lucia parvenait à découvrir une de ces pièces insoupçonnées, dissimulées dans les recoins oubliés de la demeure, elle pourrait y cacher le squelette de cette pauvre femme. Ce serait sûrement mieux que de transporter la penderie qui lui servait de bière dans sa propre chambre. Les gravures des transformations devaient être précisément étudiées : elles dévoileraient les secrets ancestraux de la demeure. Ce Manoir qu’elle n’avait pas même reconnu avait tellement changé, au fil des ans… La chasse au trésor était excitante ! Même si elle avait pour but de dissimuler un cadavre… Oh ! Ce n’était pas pour abandonner à nouveau, la morte oubliée, non. Mais… elle ne pouvait pas rester .
Lucia protégerait sa famille avant tout et elle devait gagner le temps nécessaire à comprendre la mort de cette inconnue à l’âme perdue.

Il y avait huit croquis en tout. Ils n’étaient pas datés, mais avec l’aide de Clothaire qui savait reconnaître les traces de vétusté sur le papier, l’ancienneté du verre et la logique des reconstructions, l’ordre avait pu être retrouvé. La première maison était beaucoup plus modeste : la tourelle était le centre de l’habitation. Monsieur Franck ne s’était pas trompé en affirmant qu’il s’agissait de la partie la plus ancienne. De part et d’autre, s’étendaient de petites longères basses, au toit de chaume qui s’apparentait plus à la paysannerie qu’aux fastes de la haute société. Peu d’ouvertures s’ajoutaient à celles de la tour et elles n’étaient pas toutes vitrées. Cette dernière avait un toit identique au reste de la maison. Bien différent de celui qui la coiffait actuellement, d’ardoises taillées en arrondis. La deuxième gravure était sinistre : la demeure apparaissait calcinée, réduite en un amas noirci par le feu. Lucia s’étonna qu’on veuille garder le souvenir d’un tel drame au point d’en faire faire le dessin. Autre époque. La tour de pierre et une grande cheminée surmontée de son conduit étaient seules debout. Des poutres enchevêtrées et un tracé sombre délimitaient l’ancien emplacement de la maison disparue. Sans surprise, la troisième gravure montrait une toute nouvelle habitation. Cette fois, elle pouvait mériter le nom de « Manoir », avec ses hautes fenêtres, ses deux étages et sa surface imposante. Les toitures étaient représentées incomplètes : des échafaudages de bois témoignaient des travaux en cours. C’était surprenant à quel point cette maison était différente de celle qui avait brûlé ! Avait-elle été rachetée par des propriétaires plus fortunés ?
Cette nouvelle construction n’eut cependant pas davantage de chance : l’image suivante la montrait éventrée, en partie effondrée. Même la tour semblait avoir souffert, cette fois : son sommet était écroulé. Il n’y avait pas de trace de feu, mais de tels dommages avaient pu être causés par un bombardement, ou bien un séisme. Quel dommage de n’avoir aucune date pour vérifier…
‑ Pourquoi des gens ont-ils cette idée de faire faire un tableau de leur maison en ruine ?
A moins que ces représentations n’aient été faites ultérieurement, pour raconter…
Les quatre dernières gravures étaient très minutieuses, moins sommaires. Deux représentaient principalement l’arrière de la maison, raison pour laquelle Lucia n’avait pas reconnu sa propriété. La tourelle caractéristique se retrouvait à gauche, percée d’une seule ouverture et elle était même reléguée au fond de l’angle de vue, sur le dessin numéro six. Mais on pouvait y observer précisément les pièces, à travers les fenêtres, tant le peintre, architecte dans l’âme, avait voulu rendre fidèlement ce qu’il voyait. Enfin, les deux derniers tableaux se ressemblaient comme des frères. Un jeu des sept différences : sur l’un, des volets étaient fermés qui ne l’étaient pas sur l’autre ; le plus récent montrait davantage la toiture et ses lucarnes, alors que le précédent avait une focalisation plus basse. On voyait à travers le bâtiment principal, limpide et laissant traverser la lumière, sur celui-là, alors que les vitres étaient opaques, sur le dernier.
A bien y regarder, la gravure finale semblait montrer le manoir endormi, les yeux clos, tournés vers l’intérieur. C’était plus lugubre…

Demain, quand il ferait bien clair, la jeune femme prendrait quelques photographies, en essayant de reproduire les angles du cadrage des gravures ; Ainsi, ce serait la suite du jeu des erreurs.


La nuit était vite tombée, malgré la réverbération des lueurs lunaires sur la neige.

La jolie pendule ornée du chevalier belliqueux et de sa belle pacifiste n’avait qu’une place possible : au centre du manteau de la cheminée du salon ! Le socle s’y encastrait absolument parfaitement et l’effet de ses dorures dans la pièce était saisissant, lumineux comme un soleil. Tellement mieux que le noir Pantalon bedonnant que Lucia avait posé là auparavant ! Il irait dans la salle à manger, le vieux barbon.




Chapitre 6 : Chacun sa vieille et le passé sera bien gardé

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La neige, ça finit par fondre et le printemps s’installe avec ses petits bagages feuillus, fripés, vert tendre. Les vacances prennent fin quand vient la rentrée. Une bonne nuit de sommeil peut effacer la fatigue et les poches bleutées, sous les yeux.
Mais la mère de Lucia, elle… rien ne la faisait changer, jamais !

‑ Lucia, ma chérie, voici une vieille amie de ma sœur. Oui, je sais que tu ne veux plus rien avoir à faire avec ma famille, mais il n’est pas question de cela ici, écoute ta mère, commença-t-elle sans laisser quiconque l’interrompre. Voilà, donnez, Gisèle, c’est lourd. Ma fille va le prendre. Donc, Gisèle Coudoux a besoin de se loger et elle est également dépendante de la venue quotidienne de son infirmière, pour son diabète et son hypertension. Alors… Voyez, Gisèle ! Ne vous avais-je pas dit que cette maison était magnifique ? Alors, Lulu, tu es la femme de la situation ! Logeuse et piqueuse, deux en une ! Je suis sûre, que Lucia sera enchantée de vous avoir chez elle, elle prendra grand soin de vos menus équilibrés, bien sûr…

Le retour des garçons avait été une joie, des cris, des récits endiablés, sans fin et sans respiration, où les enthousiasmes de l’un se mêlaient aux détails égrenés par l’autre. Swann et Solal avaient passé un excellent séjour qui ressemblait fort à une semaine aux sports d’hiver. A les écouter, ils revenaient d’une expédition arctique.
‑ … et un igloo, maman, tout en blocs de glace…
‑ … oui, comme les ‘Squimaux du pôle du Nord ! Maman !, surenchérissait Solal.
‑ … tellement grand qu’on y était à trois, à genoux, plus le chien !
‑ Mais non, une fois, on était quatre ! Je sais compter, moi…
‑ Tu veux dire quand tu l’as démoli ? Laisse-moi raconter ! Et, et… ET ! Maman ? Et tu sais, la luge de Martin…, elle s’est brisée quand je me suis retourné. Je n’ai rien senti.
Le courageux et intrépide Swann vantait des mérites de survie extrême que démentait le plâtre qui faisait un enrobage blanc autour de son tibia : Lucia n’avait vu que cela, à leur descente de voiture :
‑ Quoi ? Swann ? Tu es blessé ? tu t’es cassé la jambe ? Comment est-ce arrivé ? Maman… !

Il était fier, à la vérité, et se débrouillait comme un chef, sur ses béquilles. Le grand blessé héroïque arborait de multiples dessins sur sa jambe raide. Solal lui servait de valet de pied et le petit s’acquittait de sa tache avec tout le zèle gentil et la maladresse de son jeune âge.
Mais puisqu’une vieille dame avait également posé un pied hasardeux devant le Manoir, introduite par cette mêle-tout de Babette, la maîtresse de maison, mise devant le fait accompli, dut se montrer polie:
‑ Vous êtes la bienvenue, Madame. Je vous laisse vous installer, je dois prendre soin de mes fils qui reviennent après plus d’une semaine d’absence…

Lucia enrageait ! N’y avait-il pas assez de vieux débris humains, dans cette bicoque ? Ne pouvait-elle s’abandonner toute à la joie de retrouver ses petits garçons ? Babette ne perdait rien pour attendre…
Ah ça, ça lui ressemblait bien de remplir la pension de famille de ses rêves de personnes du troisième âge, plus convenables, à ses yeux, qu’un jeune artiste comme Niels ! De quoi je me mêle ???

‑ Alors ? N’est-ce pas que ta maman est géniale ?, lança la manipulatrice en chef, en donnant un coup de coude à Lucia qui défaisait les bagages des enfants. Et un loyer de plus ! Chuchota-elle pour conclure, triomphale.
Aaargh ! Maman !, ne sut que répondre sa fille, la mâchoire crispée.
Ses yeux lançaient des éclairs et ses mains tordaient le cou à une pile de sous-pulls froissés. Elle maîtrisait son emportement, devant les garçons et à portée de voix de ses locataires (puisqu’il fallait les désigner au pluriel, à présent). Lui demander son avis, peut-être ?Craignant de perdre son sang froid, elle préférait se taire et serrer les dents. Elle engouffra la tête dans la penderie pour y ranger les blousons. Une parole malheureuse est si vite arrivée…
‑ Ce n’est rien, ma chérie, on en causera plus tard. Je dois filer. Tu remercieras ta maman demain ?
Feignant la bonne humeur et jouant celle qui ne voit rien, la grand-mère fuyait devant l’orage qui la menaçait de ses lourds nuages sombres, sur le visage de sa fille. Les enfants sont ingrats, elle le savait.

‑ Ah ! et les garçons ont été a-do-ra-bles ! De vrais petits anges, comme leur mère…, trouva-t-elle nécessaire d’ajouter, en revenant sur ses pas, un index en l’air, à l’horripilante façon de l’inspecteur Colombo.
Quand elle tourna enfin les talons, il ne resta plus derrière elle que l’odeur de son eau de Cologne mêlée au savon bon marché qu’elle se frottait quotidiennement derrière les oreilles.



Madame Gisèle Coudoux, une soixantaine si bien sonnée qu’on y ajoutait aisément une dizaine, des cheveux déjà d’un blanc pur, toujours relevés en un chignon lâche tenu avec des peignes d’ivoire, s’avéra une hôtesse tout à fait charmante.
Lucia ne l’aurait jamais admis devant sa mère, même sous la torture, mais au bout de quelques jours, elle s’aperçut du grand plaisir qu’elle ressentait à l’avoir chez elle.
Solal avait repris le chemin de la maternelle, mais Swann et son plâtre colorié au feutre restaient pour plusieurs semaines à la maison. Ordres du médecin. La vieille dame avait élevé six garçons, dans une autre vie, et passer ses après-midi à jouer aux cartes, aux dés ou aux échecs avec ce mignon petit blond estropié lui fut naturel. Lucia les regardait d’un air attendri. Swann, enfant d’intérieur, ne souffrait pas de son repos forcé. Il faisait ses devoirs, chaque matin, grâce aux cahiers que sa maman rapportait de l’école la veille au soir. Et ensuite, il découvrait le bonheur des liens intergénérationnels. Captivé, il écoutait la voix tendre de Gisèle qui décrivait son enfance, la guerre, les jeux de l’ancien temps, le Mongy, les briques au fond du lit, dans du journal, pour se chauffer les pieds…

Entre Lucia et Gisèle, une complicité et un respect mutuel s’étaient établis dès le premier coup d’œil échangé, après le départ de Babette.
« Désolée de cette intrusion » avaient semblé dire les yeux de la septuagénaire.
« Pardon pour ma mère, c’est à elle que j’en veux et non à vous », avaient répondu les iris doux de Lucia.

Les soins dont Madame Coudoux avait besoin n’étaient pas lourds : vérifier sa glycémie et sa tension régulièrement, être attentif aux horaires des repas, compenser avec l’Insuline nécessaire. Lucia, infirmière aguerrie, pratiquait ces gestes tout aussi simplement que si chacun au monde s’y soumettait. Son professionnalisme et sa gentillesse avaient conquis sa pensionnaire. La vieille dame qui n’aimait pas les milieux médicaux blancs, pleins de machines et de tuyaux hostiles, se retrouvait dans une ambiance familiale qu’elle n’aurait jamais voulu quitter mais dont la cruauté de l’existence l’avait privée. Cette vie était derrière elle, elle ne se retournerait plus. Elle ne sortait jamais au-delà du portail, heureuse de ce quotidien reclus et chaleureux, trouvant, à l’intérieur du parc grillé, une paix éternelle.
Le soir, quand les petits étaient couchés, les deux femmes devisaient agréablement devant une tasse fumante de tisane.
Elles semblaient seules au monde, au bout de leur cuiller tournante, au milieu des bibelots du salon de Monsieur Franck.
Le temps avait pris de la lenteur.
Les moments se savouraient plus doucement.
La pendule d’or faisait son petit cliquetis délicat, régulier, rassurant, depuis que Clothaire l’avait remontée, en chirurgien respectueux de ce cœur mécanique au grand âge.
La madone, de son alcôve, penchait sur ces femmes un regard attendri, présidant cette réunion de mères.
Elles pliaient du linge, recousaient quelques boutons ou remédiaient aux trous que les genoux des petits garçons font toujours apparaître sur les pantalons, quelle que soit l’époque. Le temps se radoucissait. La saison était à l’heure. Il avait plu, hier. Tant mieux pour le potager.

Devant l’âtre rougeoyant, le Manoir paraissait avoir remonté les âges.



« …Grand-père travaillait aux Chemins de Fer. Une fort bonne place. C’était un métier très dur, il fallait charrier du charbon et des cailloux, porter des poutres sur ses épaules… Tu savais, Swann, que les trains fonctionnaient au charbon, autrefois ? oui, comme la cuisinière de ta maman. Il tait si fier de participer au progrès du rail ! Quand il rentrait, le soir, on entendait son pas, dans l’allée ; il passait la porte, toussait un coup et s’asseyait à table. Alors, Grand-mère plaçait les pieds de son mari sur son tablier blanc, debout devant lui, pour lui enlever ses chaussures toutes crottées. Elle les frottait et les cirait, en crachant dessus... On mangeait de la soupe, tous les jours. Grand-père faisait du bruit avec chaque cuillerée et il restait toujours un peu de potage, ou un vermicelle, pris dans sa grosse moustache, ensuite… Il n’était pas permis de parler à table ; nous attrapions des fous-rires et Grand-père nous faisait des grimaces avec les yeux et la langue, dès que Grand-mère tournait le dos…
Il n’était pas méchant et ne savait pas nous gronder. Devant sa femme, il nous menaçait d’un coup de casquette sur les fesses. Mais jamais il ne nous le donnait : « Allez ! File ! », disait-il tout bas pour ne pas qu’elle entende son indulgence…
Le soir, si l’un de nous quittait la pièce, il emportait la lampe à pétrole et tous les autres restaient plongés dans l’obscurité… Il n’y avait pas du tout d’électricité, tu sais. La nuit noire était vraiment noire. Au goûter, quand tous les cousins étaient là, Grand-mère faisait d’interminables piles de tartines à la confiture. Elle les coupait toutes fines et elle étirait bien la gelée de groseille… Au fond du jardin, dans le terrain vague, nous jouions au volley. Tu connais, le volley, Swann ? Mais nous n’avions pas de filet. Alors, en cachette, on volait la serpillère de la Grand-mère et on l’attachait entre deux arbres… Le trou à charbon nous faisait peur : on devait y descendre pour remplir le broc. Bien souvent, l’un de nous tombait et ressortait noir des pieds à la tête… Dans le jardin, il y avait un abricotier et de l’oseille. On jouait au diabolo et on était drôlement fortes, ma sœur et moi !
Le matin, Grand-mère nous grondait parce qu’on s’éveillait toujours trop tôt, dans nos chambres sans volets. Alors, on emportait notre laine et nos aiguilles et on tricotait sous les couvertures, en cachette. Tu sais tricoter, toi ? Mais Grand-mère, quand on se levait, nous regardait en face et puis elle disait, en roulant les mots dans son accent slave : « Tes yeux y sont bien ouverrrts ! C’est depuis combien de temps que t’es rrréveillée ? ». On portait des « cols » et des « poignets » amovibles, qu’on plaçait sous nos gilets : ainsi, on pouvait les laver séparément quand ils jaunissaient. La lessive pendait au milieu du jardin, comme un rideau, en été. L’hiver, c’est la cuisine qui devenait le pont d’un navire, encombré de toutes ces voiles. Nos chemises et nos culottes pendaient au dessus du poêle.
Quand on faisait nos devoirs d’école, comme toi, Grand-mère nous regardait d’un œil soupçonneux. Elle ne savait ni lire, ni écrire, alors cela lui paraissait toujours suspect. Elle posait son fer à repasser, mis à chauffer sur la cuisinière et nous accusait : « Mais je le vois bien d’mes yeux, que tu trrrravailles point, disait-elle. Tu lis ! » Moi, je ramassais toujours toutes sortes de petites bêtes, des insectes, des papillons et j’en garnissais tous ses pots à confiture vides. Ma sœur, elle, avait une peur bleue de ce qui volait ou rampait. Je la faisais hurler et courir partout dans la maison, en la poursuivant avec mes bocaux grouillants… »

Lucia écoutait le ronronnement sans fin des récits pittoresques de Gisèle. Jouant aux dominos, au nain jaune ou tricotant, sa pensionnaire peignait à Swann le portrait de sa jeunesse, dans un monde exotique qui n’avait plus cours. Le petit garçon buvait ses paroles, voyait les scènes se dérouler sous ses yeux, redemandait ses épisodes préférés et questionnait sur des détails candides. Pas une seconde il ne s’ennuyait.

Rangeant, pliant, astiquant, la jeune maman tournait en cercles de plus en plus larges autour du duo de causeurs. Les vitres étincelaient sous le soleil frais du printemps nouveau né, le linge propre s’empilait en petits tas nominatifs, la vaisselle à sa place. Sans se l’avouer, Lucia repoussait adroitement le moment de devoir reprendre sa besogne dans les étages. Les soins à apporter à la chambre de Gisèle l’amenaient quotidiennement au second.
Mais elle évitait soigneusement le cagibi mortuaire.
Clothaire, en plusieurs voyages, avait délesté la maison de la plupart des trouvailles intéressantes, moyennant un joli pécule placé à la banque. Celles que Lucia avait souhaité conserver avaient pris des places de choix dans un intérieur de plus en plus coquet et le palier était dégagé, à présent.
Aucune raison de repousser de nouvelles investigations dans les débarras... Une, peut-être… :
Une très très très vieille dame dormait pour toujours dans une belle armoire en cerisier.


Lucia s’était longtemps accrochée à l’espoir de pouvoir glisser cette squelettique pensionnaire derrière une cloison escamotable ou sous un plancher creux. Ainsi débarrassée du problème, elle aurait pu l’oublier. Mais peine perdue. Elle avait eu beau suspendre en face de son lit les huit gravures qui représentaient le manoir, rien ne lui avait sauté au visage. Et, quand elle avait punaisé en neuvième position, une photographie développée et agrandie de la maison actuelle, aucune révélation fulgurante n’était apparue. Elle avait tremblé, appréhendé, redouté, espéré, cherché, et cherché encore, cherché à s’en rendre aveugle et folle, mais aucun éclair de génie, pas le moindre indice d’une logique de passages secrets, pas le plus petit déclic qui indique le mur à double fond.
Chaque matin, elle avait pesté contre son déplorable sens des volumes et de l’orientation, marchant de long en large devant la bande-dessinée passée du Manoir. Elle la suppliait de lui parler, mais les vignettes restaient muettes.
C’était étrange, cette certitude qu’il y avait quelque chose à trouver, finalement… Presque inquiétant, car Lucia ne savait pas si elle souhaitait de nouvelles découvertes : qui lui garantissait qu’une pièce secrète ne renfermerait pas un nouvel occupant trépassé et qui dévoilerait ironiquement ses ossements ?
Si cela continuait, Babette l’aurait, sa pension de famille pleine de vieux, digne d’Agatha Christie !

Niels se faisait très discret.
Lucia ne savait pas précisément si ce comportement plus distant avait débuté après la découverte du cadavre ou bien suite à l’arrivée de Gisèle. Pourtant, le constat n’était pas subjectif : le jeune musicien évitait soigneusement de croiser la petite famille. Il partait tôt et rentrait tard (ou l’inverse ? Allez savoir…), ne demandait aucun service de linge ou de ménage, et ne ramenait plus aucune conquête. Sans doute n’était-il pas totalement dupe du silence que sa logeuse avait fait autour de la fameuse nuit de la découverte… Feignait-il seulement de croire que sa copine dénudée avait tout imaginé sous l’effet de l’alcool ? Ou bien la simple idée d’une proximité possible avec un squelette lui dictait-elle de prendre ses distances… ?
Lucia ne le retenait pas. Elle avait de l’argent devant elle. Inutile de forcer les gens à rester.
Sans se l’avouer, elle tait un peu vexée. Elle pensait une forme d’amitié s’était installée entre eux. Il ne lui manquait pas, mais elle appréciait peu de n’être que la concierge du jeune homme.
Enfin… On ne retient pas les gens contre leur gré.
La chanson Hotel California lui trottait dans la tête…

‑ Pardonnez-moi mais… Depuis quand êtes-vous là ?...
La voix de Lucia avait sonné, haute et claire. Peut-être plus forte qu’elle ne l’aurait pensé. Elle –même sursauta, puis reprit :

-… Je… Vous permettez que je vous questionne un peu… ? Ma curiosité n’est pas dénue de respect. Je vous demande de le croire. Vos réponses seraient les bienvenues, même si vous préférez garder tous vos secrets… Je peux comprendre ça… après tout, que vous reste-t-il d’autre ? Que vous est-il arrivé ?... Avez-vous seulement vu venir les choses ?... Que faisiez-vous là ? N’est-ce pas une chambre incongrue ?... Vous cachiez-vous ? Votre décès était-il accidentel ou souhaité ? Et souhaité…par vous-même ou par un meurtrier ?... Vous a-t-on cachée ? …Je vous en prie, Madame… vous seriez bien aimable de m’apporter votre concours ! Ces questions m’empêchent de dormir !
Non. Lucia ne perdait pas la tête.
Elle avait pris son courage dans les deux mains que la vaisselle, la lessive et le ménage n’occupaient plus, et elle avait franchi la porte du cagibi. Sous prétexte d’un nouveau nettoyage, pendant que Swann et Gisèle discutaient dans la salle à manger, la jeune femme entreprenait un étrange entretien avec une muette. Interview with bones… Chacun sa vieille. Elle était plantée devant les portes ouvertes de la penderie en cerisier. La momie décharnée devait bien avoir des réponses à lui apporter, même sans desserrer le rictus de sa mâchoire figée à tout jamais. Quel dommage que l’infirmière n’ait jamais travaillé avec le légiste !
Lucia ouvrit un petit carnet et elle nota les réponses tacites de son invitée :
- femme brune (une belle poignée de cheveux lui restait)
- âgée de 35 à 45 ans (les plis de son visage étaient post-mortem. Peu de rides sur ses mains)
- vêtements passés de mode depuis vingt ans, peut-être plus (une robe, une ceinture, un gilet fin)
- chaussures plates
- tenue de demi-saison
- aucun bijou apparent sauf une bague en or

‑ Qu’est-ce que vous me dites-là ? Vous êtes décédée à l’automne, il ne faisait pas encore très froid. Vous aviez la quarantaine, vous étiez brune, les cheveux assez longs, attachés. Vous ne portiez pas de lunettes et peu de bijoux. Cette bague est originale. Me permettez-vous de l’examiner de plus près ?
Pour la première fois, Lucia toucha la morte.
Rien ne se passa.
La bague était très belle, très fine. L’anneau était ouvragé et une pierre d’un bleu sombre, sertie d’un cercle d’or, la garnissait. Cette femme ne devait pas être corpulente : le diamètre de la bague était très étroit.


Durant plusieurs jours, elle collecta des indices sur le cadavre, en procédant de la même manière : en parlant avec la momie. Ainsi, l’impression d’effectuer une besogne morbide était moins forte. Le respect qu’elle devait à cette pensionnaire passait au moins par là, se disait-elle.
Quand le corps n’eut plus rien à lui apprendre. L’idée lui vint de réfléchir à la raison de se trouver dans une penderie, enfermée.
Mais elle n’eut pas le temps de chercher.

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