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Les célèbres morts mystérieuses d'écrivains et poètes

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Isidore Ducasse :

Isidore Ducasse, dit Lautréamont, est retrouvé mort à 24 ans, seul chez lui, le 24 novembre 1870, quelques mois après la parution des Chants de Maldoror et de Poésies. Il est inscrit sur son acte de décès "sans autres renseignements", une mention bien énigmatique qui laisse libre-champ aux hypothèses. Les biographes lui attribuent une mort par phtisie, mais la rapidité des événements entre sa mort et la publication de ses œuvres reste suspecte, d'autant plus que ses écrits avaient de quoi déranger : une des première scènes des Chants de Maldoror et celle d'un homme qui prend à parti les lecteurs afin de les inciter à lacérer la poitrine de jeunes garçon aux yeux bandés pour lécher leur sang et leurs larmes ; il évoque ensuite la seconde partie de ce plaisir qui consiste à revenir auprès de l'enfant en feignant la surprise et l'horreur pour le consoler après... Une scène dérangeante qui pourrait servir de motif au crime. Outre le doute sur la mort du jeune poète, sa santé mentale est questionnée : des psychanalystes avancent l'hypothèse de la schizophrénie de Ducasse que d'ailleurs le passage raconté illustre tout à fait. Isidore Ducasse, véritable génie ou simple fou ? Mort naturelle ou assassinat ? Le mystère demeure.

La seule photographie connue d'Isidore Ducasse.

Jacques Vaché :

Une des morts mystérieuses qui a fait couler beaucoup d'encre est sans doute celle de Jacques Vaché. Vaché accumule les étiquettes puisqu'il est aussi classé dans la catégorie des écrivains sans œuvres, tenant ainsi compagnie à Bartleby. La découverte du cadavre de Jacques Vaché, âgé de 23 ans, à Nantes le 6 janvier 1919, est des plus pittoresques : il est retrouvé dans une chambre d’hôtel, nu comme un vers, étendu sur le lit en compagnie d'un autre homme, pareillement nu et mort. La thèse de l'overdose d'opium est avancée rapidement. Seulement, la presse qui a couvert l'affaire a tu la présence de deux autres hommes dans la chambre d’hôtel, ce qui est des plus suspicieux. Le rapport de police nous apprenait donc plus tard que la réunion autour d'un "pot de confiture" comportait cinq personnes : Maillocheau ne veut pas goûter à la confiture et quitte la chambre ; Caron le suit car rendu malade ; reste Woynow qui s'endort sur le divan pour se réveiller devant Bonnet et Vaché, inconscients. Bien que la police dans son rapport évoquât un décès par abus d'opium, les théorie sur la mort de Vaché envahissait étrangement l'affaire.
André Breton, un ami très proche de Vaché, pensait à un assassinat à cause du manque de précision sur sa mort. Le rapport de police signalait en effet la mort d'un certain Vacher, la faute dans le patronyme était considéré suspicieuse par Breton : aurait-on voulu ne pas ébruiter l'affaire ? D'autre part, le rapport de police n'emploie jamais le terme « suicide », le résultat de l'autopsie reste douteux, d'autant plus qu'il avait aussi révélé qu'avant sa mort, Vaché avait eu des relations sexuelles avec un autre homme : un sujet très délicat à cette période. 
André Breton faisait un lien analogique entre les morts de Jean Jaures et Karl Liebknecht, et voyait une logique dans les assassinats et faisait alors de la mort de Jacques Vaché un assassinat politique, une attaque contre la gauche. André Breton était tellement secoué par la mort de Jacques Vaché qu'il enchaîna les hypothèses. En 1940, soit trente ans après, Breton pensait que Jacques Vaché avait orchestré son suicide. Les propos de Marc-Adolphe Guégan vont en sa faveur, celui-ci écrivait dans Ligne de cœur : "je reçois d’une personne digne de foi une déclaration terrible. Jacques Vaché aurait dit plusieurs heures avant le drame : « Je mourrai quand je voudrai mourir… mais alors je mourrai avec quelqu’un. Mourir seul, c’est trop ennuyeux… De préférence un de mes amis les meilleurs". 
En 2004, Jean Sarment publiait ses correspondances, dans l'une d'entre elles, il écrivait en 1919 à Pierre Bissérié à propos de la mort de Vaché : "On ne saura jamais la part de maladresse, de détraquement, de spleen réel ou affecté, de préméditation peut-être qu’il y a eu dans cette mort ou s’il fut victime seulement de ce bizarre point d’honneur qu’il mit toujours à se conduire en héros décadent d’il y a cinquante ans…". Un témoignage qui montre que le doute quant à la mort de Vaché était partagé et que Breton n'était pas seul face à ses théories.
Cependant, un journaliste de Libération qui était parti en investigation pour éclaircir l'histoire revenait avec le témoignage d'une connaissance de Vaché, Pierre Lanoë, qui préfère la théorie de l'accident plutôt que celle du suicide avancée par André Breton et d'autres. 
Si la théorie du suicide est réfutée par les proches de Vaché, elle n'empêche pas de laisser planer un doute. Autre point à éclaircir : il reste aussi la possibilité d'empoisonnement par l'opium dont la police n'a su retracée l'origine.

Jacques Vaché en 1915 dans l'armé anglaise

Edgar Allan Poe :

Que s'est-il passé lors des dernières heures du poète ? Le 3 octobre 1849, Edgar Allan Poe est retrouvé inconscient, sans papier et sans argent, dans le caniveau d'une rue à Baltimore, il est amené à l’hôpital où il y meurt le 7 octobre. Les médecins ont conclus à un abus d'alcool et autres substances qui aurait amené à une congestion cérébrale, un possible delirium tremens. Bien que ses crises d’alcoolisme soient réputées, la cause de mort décrétée est considérée insuffisante : pourquoi gisait-il dans un caniveau, les poches vides ? Poe est aussi connu pour son allure de dandy chic, or il est retrouvé vêtu comme un pouilleux, dans un état déplorable alors qu'il est habituellement vêtue d'un costume en laine noire. C'est cet élément qui fait dire à un cardiologue en 1996 que l'on aurait inoculé une rage artificielle à Poe afin d'en faire la victime d'un truquage d'élection. En effet, ainsi drogué, Poe devenait alors facilement manipulable quant à son vote ; son revêtement de gueux aurait été pensé comme camouflage afin d'éviter qu'il ne se fasse remarquer. Il faut savoir que Poe était le propriétaire d'un journal influent et que son avis politique était d'importance.
Qu'en est-il alors ? Meurtre politique ? Delirium tremens ? Ce serait-il fait dépouillé et mis au tabac par une bande de malfrats ? Diabète, tuberculose,... toutes les théories possibles ont été avancées pour justifier cette mort mystérieuse.

Edgar Allan Poe et son chic légendaire.

Pablo Neruda :

40 ans après sa mort, le Chili se soulève pour connaitre les véritables causes de la mort du poète engagé. Pablo Neruda était un grand ami du président socialiste Salvador Allende, après le putsch du général Pinochet, Neruda souhaitait quitter le Chili, craignant pour sa vie. Pablo Neruda est dit mort d'un cancer de la prostate le 23 septembre 1973, soit 12 jours après la prise de pouvoir de Pinochet. Manuel Araya, secrétaire personnel de Neruda, raconte que c'est à la vieille du départ du poète pour le Mexique que ce dernier a été assassiné, Neruda alors hospitalisé afin de facilité son exil au Mexique, demande à Araya de venir le voir en urgence, Neruda lui dit qu'un médecin lui a fait une mystérieuse injection dans le ventre.
En avril 2013, le corps de Neruda a été exhumé afin de procéder à une nouvelle autopsie et voir si la mort de Neruda est réellement dû à son cancer ou s'il a été empoisonné. En novembre, la justice chilienne fait part du rapport médical et annonce qu'aucun agent chimique n'a été détecté dans le corps de Neruda. Cependant les accusations d'assassinat demeurent, cette dernière injection reste inexplicable. L'avocat de la famille demande que l'enquête se poursuive. Cette conclusion ne résout absolument rien : un des toxicologues chargé des analyses indiquent que certaine substance disparaissent rapidement et aucun résidu ne peut se trouver dans les restes osseux.
Ce que l'on retient, c'est tout de même l'accumulation de coïncidences qui écartent fortement la théorie de la mort naturelle.

Salvador Allende et Pablo Neruda en 1957.

Emile Zola :

Au matin du 29 septembre 1902, Émile Zola est trouvé mort à son domicile parisien. Sa femme est alors inconsciente et souffre de problème respiratoire. Les analyses sont formelles : Monsieur et Madame Zola ont été intoxiqués et asphyxiés au monoxyde de carbone.
Seulement les discours tenus par les domestiques et l'assistant de Zola à propos de l'état de la cheminée des Zola engendrent une suspicion qui mène à penser à l'assassinat. Les domestique assurent que la cheminée fonctionnait parfaitement bien quelques semaines plus tôt : l'obstruction du conduit est alors considérée comme étant très étrange. Rien ne concorde avec cet empoissonnement accidentel puisque le ramonage de la cheminée suivait un programme fixe et que Mme Zola tenait sa maison en ordre et ne concédait à aucune négligence.

Le Petit Journal  présente la mort de Zola en images.

Cela se sait, Zola, même avant l'Affaire Dreyfus, compte nombre d'ennemis. Mais depuis son article « J'accuse », la sureté de l'écrivain se fragilise : Zola et ses proches reçoivent de nombreuses lettres de menaces, certaines remplies d'excréments ; les anti-dreyfusard sont de plus en plus virulents. Une enquête  plus approfondie est de rigueur mais le dossier d'instruction a été perdu, les preuves potentielles avec. C'est en 1953 que la vérité éclate, ou du moins semble-t-il. L'assassin de Zola aurait confié à son pharmacien son crime juste avant de mourir. Ce même pharmacien confie cela à Jean Bedel, journaliste à Libération, qui dévoile la vérité dans une série d'article intitulé « Zola a-t-il été assassiné ? ». L'assassin serait alors Henri Buronfosse, un entrepreneur fumiste qui, travaillant sur une cheminée voisine, aurait obstrué la cheminée dans la journée et l'aurait débouchée le matin suivant. Buronfosse appartenait à la Ligue des patriotes et était donc un fervent nationaliste anti-dreyfusard.
Les confessions s’accumulent : le commissaire Cornette, sur son lit de mort, avoue que la mort de Zola était en effet très suspecte et qu'une enquête plus approfondie aurait certainement aboutie à la conclusion de l'assassinat, seulement le France était dans un piètre état après l'Affaire Dreyfus et n'aurait peut-être pas supporté un scandale de plus.

Article de Jean Bedel dans Libération, 1953.

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