Date de parution : 28 octobre 2009
Texte de Guillaume Bianco, illustrations de Jérémie Almanza
Collection : Métamorphose
Édition : Soleil
« Approchez brave gens, pour entendre l’histoire,
Cette sombre litanie, qui vogue dans ma mémoire
Soyez donc attentifs,prêtez-moi une oreille
Vous entendrez un conte, à nul pareil.
Eco n’a pas dix ans, son visage est bien blême,
Mais c’est la vie pourtant,qui coule dans ses veines.
Une triste circonstance, par une nuit de démence,
Changera à jamais sa paisible existence.
La fable est déplaisante, faites à votre guise,
Sachez que toutefois, pleurer n’est pas de mise… »
Éco est l’unique rejeton de l’éminente famille Shacklebott, à la tête d’une enseigne de grande renommée dans le domaine de la mode. Alors que les membres de la haute sphère s’écharpent pour acquérir la dernière pièce issue de cette maison de couture, le couple Schaklebott n’a guère de temps à consacrer à leur progéniture. Éco grandit donc dans la solitude, bien qu’entourée de nombreux et somptueux présents. Un jour, M. Schaklebott confie une mission de la plus haute importance à son enfant. Il est question de livrer à onze heures tapantes un trio de poupées à la fille de M. le Ministre. Éco, heureuse d’être enfin investie d’une lourde responsabilité, promet d’assurer la livraison et ainsi, d’honorer la renommée des Schaklebott. Cependant, la commande n’arrivera jamais à bon port à la suite d’une rencontre fortuite (ou peut-être pas) avec la Princesse des nuages, grimée en vieille mendiante. Éco rentre ainsi à son domicile sans se douter qu’elle vient de précipiter la famille Schaklebott dans une tourmente sans fin. Reniée et maudite par trois fois par sa mère, Éco se transforme dans la douleur, lentement, mais sûrement. La malédiction s’attaque à sa chair et le temps ne semble plus avoir d’emprise sur les évènements se déroulant dans l’ancien manoir des Schaklebott. Pour lever le mauvais sort, l’enfant se doit de retrouver la Princesse des nuages. Éco se lance alors dans une quête bien périlleuse pour retrouver sa forme d’origine, accompagnée de ses quatre gardiens de chiffon: Ésope, Épictète, Diogène et Socrate.
Éco, la malédiction des Schaklebott est une puissante fable qui s’étale sur une trilogie, dont voici le tout premier tome. Dans ce premier volet de l’histoire, le lecteur suit l’évolution d’Éco dans un monde adulte dont elle ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. Les illustrations aériennes de Jérémie Almanza servent avec brio cette vision du monde à travers les yeux d’une enfant, tout en perspective, où l’univers semble toujours trop grand, trop haut, trop déformé et hors de portée. Le jeu des couleurs permet également de distinguer très nettement l’univers protecteur du foyer avec des tons chatoyants et celui de la ville, bien plus hostile, dans des tons froids. Au fur et à mesure que l’histoire avance, l’ambiance change et se fait toujours plus sombre. Le travail en clair obscur d’Almanzadonne à ce conte un cachet bien particulier.
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Texte de Guillaume Bianco/ Illustrations de Jérémie Almanza |
Si cette fable met bien en scène une jeune héroïne, les thèmes abordés ne trouveront écho que chez un public bien plus aguerri. Au-delà des couleurs chaleureuses et du graphisme ingénu au premier abord, le texte de Guillaume Biancose révèle bien moins innocent. Moult critiques acerbes sur les valeurs du monde adulte, ainsi que sur la société et ses travers peuvent notamment être relevées. Les références philosophiques n’échapperont pas non plus aux inconditionnels de la discipline. Ensuite, du point de vue d’une enfant, certains changements peuvent réellement être apparentés à une « malédiction ». Toutefois, Éco est-elle vraiment victime d’un mauvais sort ? Ou a-t-elle été projetée bien malgré elle dans le monde hostile des adultes ? Les réponses n’arriveront qu’au compte-gouttes, tout au long de l’histoire.
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Illustration de Jérémie Almanza |
Le découpage de ce conte, à mi-chemin entre le livre illustré et la bande dessinée permet au lecteur d’apprécier le texte et les illustrations dans leur intégrité. En parallèle, l’auteur et l’illustrateur ont décidé d’insérer avant chaque chapitre, un encart sur le conte populaire anglais « Jack et le Haricot magique » de Joseph Jacobs (Jack and the Beanstalk). Sachez que ce choix est loin d’être anodin et participe pleinement au déroulement de l’intrigue.
Se plonger dans Éco, la malédiction des Schaklebott revient à se lancer dans un périple initiatique, à la fois subtil et métaphorique, où l'on suit la petite Éco arpentant non sans peine les chemins tortueux de l’existence. Soyez curieux et n’hésitez pas à faire un saut dans cet univers féerique où les apparences peuvent être assez trompeuses… D’autant plus que cette œuvre vibrante est servie avec maestria par deux artistes au talent indéniable.
En savoir plus :
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En savoir plus :
Guillaume Bianco: http://guillaumebianco.blogspot.be/
Jérémie Almanza : http://fak.ultra-book.com/accueil
Éditions Soleil : http://www.soleilprod.com/